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Jean-Henri Fabre

Les noms et prénoms sont pour l’enfance comme un paysage où s’inscrit le regard. Sans paysage pas d’horizon, ainsi, sans nom ni prénom, pas de mémoire à rapporter à la maison. Les enfants rentrent de l’école le soir avec des prénoms d’amis que jour après jour ils apprennent à chérir. Les « Alexandre, Robin, Camille, David, Nola, Mathis, Aliénor » finissent par devenir le paysage sonore de notre quotidien. Aussi, tout comme il devient impérieux pour les parents de mettre un visage sur ces prénoms, nous avons eu envie de vous offrir la possibilité de mettre un visage sur le nom de celui qui a donné à l’école de votre ou vos enfants son identité nominale. Car si L’école Fabre est un bâtiment avec ses fenêtres, ses escaliers, ses classes, sa cantine et ses cours de récréation, le nom Fabre, pour sa part, évoque la vie remarquable d’un homme remarquable. Ce document, que les représentants des parents d’élèves vous offrent, a pour but de vous le présenter afin que vous soyez à même de répondre à la question « Mais qui est donc ce Fabre ? »

Bonne lecture.
Wajdi Mouawad.









Jean-Henri Casimir Fabre
(Par Nadar)

Jean-Henri Fabre est né le 21 décembre 1823 dans un petit village de l’Aveyron et il est mort le 11 octobre 1915 dans un autre petit village du Vaucluse. Autant dire que l’espace géographique de son existence est plutôt restreint. Cependant, lorsque l’on sait que cet homme fut  considéré de son vivant comme un des précurseurs de l’éthologie, c’est-à-dire la science du comportement animal et, plus particulièrement, un grand enthomologiste, c’est-à-dire un observateur du monde des insectes, ce territoire où il vécut peut soudainement sembler sans fin si on le regarde du point de vu d’une fourmi ou d’un scarabée.


L’œuvre principale de Jean-Henri Fabre est une somme intitulée : « Souvenirs entomologistes » qu’il écrit dans la dernière partie de sa vie. Son existence se passe dans l’observation du monde des insectes et les textes qu’il en tire allient, avec une rare élégance, observation et récit. Son écriture est d’une telle élévation, qu’aujourd’hui encore, au Japon où il est considéré comme une auteur majeur, son œuvre est étudiée par tous les enfants des écoles primaires.



Sa grande qualité est de transmettre avec un raffinement inouï tout ce qui se rapproche d’un monde qui pourtant rebute. En effet, évoquer le monde des fourmis, des scorpions ou des punaises est, au premier abord, peu séduisant mais son art, sa maîtrise de la langue, sa passion, ont permis à des générations entières d’enfants de faire connaissance avec le monde des insectes de manière si sublime que l’on peut dire de Fabre qu’il a participé à la prise de conscience du rôle des insectes dans ce que, un siècle plus tard, on appelle désormais la biodiversité.







« Les manipulateurs de bouse ont pour chef de file le Scarabée sacré, dont les étranges manouvres attiraient déjà l'attention du fellah, dans la vallée du Nil, quelques milliers d'années avant notre ère. Quand il arrosait son carré d'oignons, le paysan égyptien voyait, de temps à autre, le printemps venu, un gros insecte noir passer à proximité et rouler à la hâte, à reculons, une boule en fiente de chameau. Il regardait, ébahi, la machine roulante comme regarde aujourd'hui le paysan de Provence. Nul n'échappe à la surprise quand il se trouve pour la première fois devant le Scarabée, qui, la tête en bas, les longues jambes postérieures en haut, pousse de son mieux la volumineuse pilule, cause de fréquentes et gauches culbutes. A coup sûr, devant ce spectacle le fellah naïf se demandait ce que pouvait être cette boule, quel intérêt avait la bête noire à la rouler avec tant de véhémence. Le paysan d'aujourd'hui se fait la même question. »
Extrait : Souvenirs entomologiques.

Jean-Henri Fabre, pour être en mesure de mener à bien ses recherches, créera, en 1879, au pied du mont Ventoux dans le Vaucluse, son propre jardin. C’était bien avant les discours écologistes, c’étaient bien avant la prise de conscience de notre rapport fragile à la terre. Il faut imaginer une grille de fer forgé qui s'ouvre sur une allée qui mène le visiteur d’abord à la maison puis au jardin.

Ce jardin, pour celui qui le visite, témoigne par lui-même de la passion de Jean-Henri Fabre pour les insectes et son amour du vivant. Chaque plante, tout en respectant certains codes des jardins d'ornement de l'époque, a été plantée pour y accueillir des insectes. L'allée des lilas en est un bon exemple, puisqu'il avait réussi à y fidéliser des cétoines. Dorées, brunes ou grises, on les retrouve aussi dans les collections d'iris plantées le long des murs, iris des jardins et iris pallida. Un grand bassin surélevé attire grenouilles, crapauds et libellules... et certains promeneurs du soir auront peut-être le loisir d'apercevoir une famille de hérissons. Sur les talus du bassin fleurissent violette, nigelles, coquelicots, bourrache et lin, attirant autant d'insectes ailés.
Plus loin, ce sont des plantes ailleurs dépréciées voire chassées, comme les chardons et géraniums sauvages ou encore le laiteron et le bouillon blanc, qui accueillent bousiers, carabes et hyménoptères.
A propos de ce jardin, il y écrivit : « Ce terrain maudit, dont nul n'eût voulu pour y confier une poignée de graines de navets, se trouve un paradis terrestre pour les hyménoptères ».

 












Le jardin aujourd’hui.




C'est un taciturne, de mœurs occultes, de fréquentation sans agrément, si bien que son histoire, en dehors des données anatomiques, se réduit de peu s'en faut à rien. Le scalpel des maîtres nous en a révélé la structure organique, mais nul observateur, que je sache, ne s'est avisé de l'interroger avec quelque insistance sur ses habitudes intimes. Éventré après macération dans l'alcool, il est très bien connu ; agissant dans le domaine de ses instincts, il est presque ignoré. Nul mieux que lui cependant, parmi les animaux, segmentés, ne mériterait les détails d'une biographie. De tout temps il a frappé l'imagination populaire, au point d'être inscrit dans les signes du zodiaque. La crainte a fait les dieux, disait Lucrèce. Divinisé par l'effroi, le Scorpion est glorifié dans le ciel par un groupe d'étoiles, et dans l'almanach par le symbole du mois d'octobre. Essayons de le faire parler.
Je fis connaissance du Scorpion languedocien il y a un demi-siècle, sur les collines de Villeneuve, de l'autre côté du Rhône, en face d'Avignon. Le bienheureux jeudi venu, du matin au soir, j'y retournais des pierres à la recherche de la scolopendre, principal sujet de ma thèse pour le doctorat. Parfois, au lieu du puissant myriapode, superbe horreur, je rencontrais, sous la pierre soulevée un autre ermite non moins déplaisant. C'était lui. La queue convolutée sur le dos, une gouttelette de venin perlant au bout du dard, il étalait ses pinces à l'entrée d'un terrier. Brr ! laissons la redoutable bête ! La pierre retombait.

Fourbu de fatigue, je revenais de ma course riche de Scolopendres, riche surtout de ces illusions qui teintent l'avenir de rose quand on commence de mordre à belles dents sur le pain du savoir. La Science ! ah ! l'ensorceleuse ! Je rentrais, le cœur en joie ; j'avais des Mille-Pattes. A mes sereines naïvetés que fallait-il davantage ? J'emportais les Scolopendres, je laissais les Scorpions, non sans un secret pressentiment qu'un jour viendrait où j'aurais à m'en occuper.
Cinquante ans se sont écoulés, et ce jour est venu. Après les Araignées, ses voisines d'organisation, il convient d'interroger ma vieille connaissance, chef de file des Arachnides en nos pays. Précisément le Scorpion languedocien abonde dans mon voisinage ; nulle part je ne l'ai vu aussi fréquent que sur les collines sérignanaises, à pentes ensoleillées, rocailleuses, aimées de l'Arbousier et de la Bruyère en arbre. Le frileux y trouve une température africaine, et de plus un sol aréneux, d'excavation aisée. C'est là, je pense, son ultime station vers le nord.
Extrait : Souvenirs entomologiques

















L’œuvre complète est disponible en deux volumes aux éditions Robert Laffont.





Il existe aussi un site internet qui permet d’en apprendre d’avantage tout en lisant de lares extraits :